lundi 19 décembre 2011

Sunset Park, de Paul Auster

On ressort de Sunset Park, le dernier roman de Paul Auster (Editions Actes Sud), tout rempli de mélancolie, avec quelques lambeaux de gris du ciel newyorkais subtilement mais durablement collés à l'âme.

Personnage à la dérive, Miles Heller est, à près de 30 ans, habité par un secret tellement lourd qu'il l'a emmené loin de tout, loin de sa ville, loin de ses parents, loin de ses amis. C'est en squatter d'une maison abandonnée de Sunset Park qu'il revient à Manhattan, après sept années d'absence, pour y rejoindre Bing Nathan, le seul ami qu'il ait pu conserver de sa jeunesse newyorkaise. Sept années de fuite égrenées de petits boulots, d'errance, d'impasse.

Sunset Park n'est pas l'histoire d'un homme. C'est l'histoire d'un pays – d'une civilisation ? – qui désespère ses habitants, qui les piétine, qui les enterre vivants dans le désenchantement d'un monde qui s'effrite, qui laisse sur le côté ceux qui n'ont pas su ou pas pu prendre le train en marche. Sunset Park est un vrai roman, en ce sens qu'il parle d'hommes et de femmes qui, comme tout un chacun, avancent vers nulle part. Un roman terriblement attachant mais profondément crépusculaire.

mardi 8 novembre 2011

La fileuse d'ombre, de Dirck Degraeve

Pur plaisir que ce roman. Un livre écrit, c'est-à-dire ciselé, aux antipodes de tant de romans bâclés et rédigés comme l'on parle. L'histoire que déroule ici Dirck Degraeve se situe hors du temps. Faite de lumière et d'ombre, de la poussière de souvenirs qui en viennent à noircir le présent, elle est peuplée de nostalgie et de rêves mutilés. Après trente ans d'absence, une femme revient dans sa ville. Elle rend visite, chaque jour, lorsque la nuit tombe, à Thomas, dans sa librairie. Elle raconte à son amour d'adolescence les épisodes de cette large parenthèse et entreprend de tisser, rencontre après rencontre, une toile où se mêlent réel et illusion. Une toile sombre, digne d'une "fileuse d'ombre". L'histoire se déroule comme un polar, tant son auteur nous promène du présent au passé, de la vérité au mensonge. Mais ce roman est tout autre chose : il entend décrire le désir de domination d'un être sur un autre. Il entend évoquer les clapotis parfois glauques qui peuvent sourdre au fond de toute âme humaine.

Éditions Le Riffle, 280 pages, 15 €


vendredi 21 octobre 2011

Le cas Sneijder, de Jean-Paul Dubois (Editions de l'Olivier)

Paul Sneijder est un survivant. Le seul survivant d'un accident d'ascenseur qui a tué les quatre autres passagers de l'appareil, dont sa fille. Un survivant ne vit plus. Il survit. Et Paul Sneijder survit, en apesanteur au-dessus des gouffres qui président désormais à son existence. Il survit grâce à une idée fixe, une passion morbide : le soir, dans le bureau qu'il a aménagé chez lui, assis à proximité de l'urne qui contient les cendres de son enfant, il compulse toute la documentation qu'il peut trouver sur les ascenseurs et échafaude d'étranges théories. "Le cas Sneijder", de Jean-Paul Dubois, est un roman sur la verticalité de nos villes et sur le peu de place que nous y accorde notre société moderne. "Comment en sommes-nous arrivés, là ?", s'interroge Paul. Le nouveau roman de l'auteur d'"Une vie française" est bâti comme en équilibre sur des vides, en équilibre au bord de précipices : le vide des cages d'ascenseur ; les vides qui s'installent, inexorablement, entre un homme et sa femme, entre un homme et ses enfants ; le vide où nous mène le temps qui passe, lorsque ceux qu'on a réellement aimés sont partis. Magnifiquement écrit, le dernier Dubois est, malgré son humour désenchanté, empreint d'une extrême tristesse. Et d'une belle lucidité, aussi.
Mots clefs : #Jean-Paul Dubois;#Le cas Sneijder;#Editions l'Olivier 

jeudi 20 octobre 2011

Les Heures souterraines, de Delphine de Vigan

Les heures souterraines, ce sont les heures grises passées dans les trains de banlieue, sous la pluie, ce sont les heures grises passées dans les métros bondés et les embouteillages, ce sont les heures ternes et angoissées passées dans les bureaux, là où règnent les despotes du quotidien, les tyrans de la vie ordinaire. Ceux qui, en assénant violence psychologique et harcèlements permanents, creusent dans nos vies leurs tunnels de désespérance. Les Heures souterraines, c’est un roman très lucide sur la vie au travail, sur une société insensible aux singularités et aux solitudes, sur une société qui cherche, jour après jour, à nous écrêter de nos aspérités, à nous altérer. Un roman en forme d’interrogation sur le sens que l’on ne parvient plus à donner à nos heures salariées, sur le sens que l’on peine à donner à nos existences. Quel espace nous reste-t-il pour nous-mêmes, pour nos désirs, alors que tout nous abime, alors que tout nous rabaisse, nous qui rêvions de voir nos talents reconnus, nous qui rêvions d’une vie qui aurait fait la part belle aux enthousiasmes ? Le roman de ­Delphine de Vigan est comme un coup de fouet : il nous montre à quel point se creuse un peu plus chaque jour la différence entre ce que nous ambitionnions d’être et ce que la société nous intime de devenir.
Mots clefs : #Delphine de Vigan, #roman, #harcèlement, #heures souterraines, #travail, #solitude, #violence psychologique, #société insensible

jeudi 13 octobre 2011

Lire

"Ceux qui ne lisent jamais forment un peuple taciturne. Les objets leur tiennent lieu de mots : les voitures avec sièges en cuir quand il y a de l’argent, les bibelots sur les napperons quand il n’y en a pas. Dans la lecture, on quitte sa vie, on l’échange contre l’esprit du songe, la flamme du vent. Une vie sans lecture est une vie que l’on ne quitte jamais, une vie entassée, étouffée de tout ce qu’elle retient comme dans ces histoires du journal, quand on force les portes d’une maison envahie jusqu’au plafond par les ordures. "

Christian BOBIN

mardi 11 octobre 2011

6e fête du livre "escales hivernales"

La CCI Grand Lille accueille, samedi 10 décembre prochain, à partir de 10 h, la 6e Fête du Livre de Lille Escales hivernales, qui a su s’imposer en quelques années comme un événement littéraire attendu et incontournable de la région : rencontres et échanges entre les acteurs du monde du livre, le public et une cinquantaine d’auteurs.

>>En savoir plus







Mots clefs : #Lille;#fete du livre;#escales hivernales;#CCI Grand Lille

mardi 27 septembre 2011

Mon prochain roman : Les Mots de nos rêves (Editions Le Riffle)

Je publie, en mars 2012, un nouveau roman, aux éditions "Le Riffle" : 

"Les Mots de nos rêves".

Un homme en fin de vie livre à sa jeune biographe l'essentiel de son existence : le souvenir prégnant d'un amour mutilé. C'est aussi un roman sur l'amitié et sur le sens que l'on ne parvient plus à donner à nos vies.

Je vous propose un court extrait :
"Les heures qui s’enchaînent et s’accumulent composent à la longue d’étranges ouvrages où s’entassent des souvenirs anodins, flous, parfois quelques fulgurances. On perd presque tout de nos instants passés. La mémoire semble sommeiller au bord des eaux de l’oubli et seuls quelques copeaux d’éternité persistent à leur surface. Ce sont ces moments-là que l’on peut sauver des pluies acides du temps, que l’on peut tenter de préserver de l’effondrement en les écrivant : les beautés côtoyées, les purs éclats rencontrés, les parcelles d’infini qui nous ont fait vibrer. Quelques pierres de clarté sont posées, ça et là, dans ma mémoire qu’elles parsèment, des cristaux qui ne cessent de pulser, comme la lumière des étoiles au ciel : des moments d’extase, des visages, des décors, des baisers, des effleurements de peau, des mots très tendres suspendus dans le temps, des sourires à rendre fou… Des instants parfaits que l’on sait ne plus jamais pouvoir rejoindre et que l’on ne peut que célébrer en les arrimant comme on peut par des mots sur le papier."

Commander "Les Mots de nos rêves" :
Le Furet du Nord
Chapitre.com
Éditions Le riffle

Mots clefs : #Bruno Descamps;#Les Mots de nos rêves;#Editions Le Riffle

lundi 12 septembre 2011

Un Homme ordinaire, d'Yves Simon

Yves Simon publie chez Nil Editions, le 3 novembre prochain, Un Homme ordinaire. Résumé.

Fils unique choyé par des parents qui mènent une vie modeste, Yves Simon a passé son enfance à regarder ces deux êtres s'aimer d'un amour fou et s'épuiser chaque jour à affronter des fins de mois difficiles.

Comme la rive dorée de Zurich, Contrexéville exhibe ses opulentes villas, et un petit garçon qui perçoit déjà la dure condition infligée au monde ouvrier est initié au courage et à la joie par un couple déjà légendaire pour lui. Mais un adolescent qui est soudain happé par la folie des années 60, qui assiste à la naissance du rock, à la révolution Dylan, et découvre les jupes des filles sur les scooters peut-il encore seulement voir tout l'amour que lui voue son père ? Sans en avoir conscience, il embrasse l'avenir qu'il fera sien avec la bénédiction d'un cheminot ancré, lui, dans un univers d'humilité et de discrétion incompatible avec les ardeurs de la jeunesse.

Et à l'instant où ce père disparaît, un autre fils naît : un orphelin de vingt ans découvrant avec stupeur que c'est précisément sa liberté d'artiste que lui a léguée l'affection inconditionnelle d'un " homme ordinaire ".

J'ai lu "Un Homme ordinaire", le dernier ouvrage d'Yves Simon, en une heure. Une heure bouleversante. Yves Simon est un magicien des mots : on retrouve dans cet opus de la collection "Les Affranchis"* de Nil Éditions, toujours la même et belle écriture, fine et ciselée, précise et pourtant poétique. Une écriture qui nous emmène dans l'intime de l'artiste, au creux de ses sentiments puissants pour son père disparu depuis plus de quarante ans. S'il s'agit d'un exercice de style, il s'agit aussi d'un exercice d'honnêteté puisque Yves n'hésite pas à dévoiler une face un peu sombre de ses propres émotions d'adolescent, à une époque où il avait presque honte de la condition ouvrière de son père. À une époque où en tout cas tout les séparait : l'âge, les goûts et surtout les rêves. Il aura fallu la maladie, celle qui emportera cet "homme ordinaire", pour réconcilier les deux hommes. "Un Homme ordinaire" est la longue lettre d'amour, pour dire les mots, jamais dits, d'un enfant qui a vieilli, qui est désormais plus âgé que celui à qui elle est destinée à travers le temps.


*Avec la collection "Les affranchis", Nil propose à des auteurs de rédiger « la lettre qu’ils n’ont jamais écrite ».

Mots clefs : #Yves Simon ; #Un homme ordinaire ; #Nil Editions

mardi 26 avril 2011

Les rencontres polar de Jimmy

Venez à la rencontre des auteurs de polars Lucienne CLUYTENS, Jean DEPREUX, Philippe GOVART et Léo LAPOINTE

Mardi 10 mai, à 20 heures
Café-resto LE VINCI
70 rue de l'Hôpital Militaire à Lille

jeudi 24 mars 2011

Le terreau immonde du FN

Si la montée du Front National a de quoi effrayer, les commentaires incessants de la presse sur les raisons de cet engouement de la part des électeurs ont quant à eux de quoi agacer. On nous parle de déception de la politique menée depuis des années par les partis "classiques" qui se sont succédés au pouvoir, on nous parle de chômage, on nous parle de perte de pouvoir d'achat, on nous parle d'exaspération des masses… Mais on oublie les deux raisons profondes et endémiques : le fascisme évident qui anime ceux qui constituent le fond historique du parti ; la bêtise et l'inculture qui ont toujours constitué le terreau des intolérances et de la manipulation.

On peut toujours tenter de nous faire croire que le FN est un parti démocratique, certes un peu extrémiste mais qui en fin de compte "dit tout haut ce que le peuple pense tout bas", je reste persuadé qu'il s'agit d'un parti fasciste qui manipule sa troupe d'électeurs imbéciles, électeurs qui n'ont même pas le souvenir de l'histoire récente. Car savent-ils d'où vient le FN ? Savent-ils qu'il est une émanation de l'organisation "ordre nouveau", qui provient elle-même du mouvement "Occident" qui plante quant à lui ses racines dans les immondices de "Jeune nation", mouvement nationaliste et néofasciste créé en 1949, juste après l'occupation nazie… ?

La pellicule policée dont Marine Le Pen tente d'enduire le FN pour le rendre acceptable est bien mince et ne filtre qu'à peine les remugles du brouet infâme dont il est issu. Les électeurs du Front national feraient bien de se rendre compte que cette odeur pestilentielle qui les accompagne les rend purement et simplement infréquentables.

jeudi 10 mars 2011

La Compagnie des femmes, d’Yves Simon

(Editions Stock - Février 2011)

Un road movie littéraire

Lorsqu’on est soi-même auteur de romans, la lecture de certains ouvrages peut rendre jaloux. La Compagnie des femmes, d’Yves Simon, fait partie de ces romans qu’on aurait aimé avoir soi-même écrits… Le style est limpide, fluide mais puissant, truffé de poésie et émancipé des platitudes et autres lieux communs que l’on rencontre désormais souvent dans l’actualité littéraire française. Chaque page constitue un écrin pour des mots subtilement agencés. Chaque paragraphe véhicule une image, une originalité, une couleur singulières. Chaque ligne nous embarque dans l’univers particulier et intime de l’auteur. L’histoire ? Un road movie de Paris vers le sud de la France sur le parcours duquel le narrateur, entre rencontres de hasard et retrouvailles improvisées, livre les souvenirs de sa vie passée. Yves Simon semble être passé maître dans l’art de l’autofiction, chère à Serge Doubrovski : quelle est la part du réellement vécu, quelle est la part de sa vie imaginée ou sublimée ? A chacun de tenter de deviner, sous la pellicule de l’encre, cette vérité aléatoire où semblent sourdre à chaque instant les désirs de l’artiste, où palpitent, comme les pulsations de nos cœurs, ses sentiments qui dérivent parfois pour s’en revenir toujours vers la même femme : Léonie. Quoi qu’il en soit, que l’histoire soit inventée ou non, c’est de sincérité dont il s’agit dans ce livre. La Compagnie des femmes appartient à la catégorie des romans qui nous consolent du monde, de la vie, tant il constitue une échappée belle, un voyage dans des paysages que l’on connait et reconnait et que l’auteur nous invite à revisiter, au travers du filtre de ses propres émotions et de la subtilité du regard qu’il y porte. À ne surtout pas manquer si l’on aime la littérature. La vraie.




Mots clefs : #Yves Simon, #La Compagnie des femmes, #éditions Stock

lundi 7 février 2011

Yves Simon publie "La compagnie des femmes"

Yves Simon publie son prochain roman, "La compagnie des femmes", aux éditions Stock. Sortie le 23 février 2011.

>>Voir l’émission « thé ou café », sur France 2, du dimanche 6 février.
>>Voir la Grande Librairie, sur France 5, du jeudi 17 février



22 février
: j'ai acheté hier après-midi, au Furet du Nord de Lille, le dernier roman d'Yves Simon, "La compagnie des femmes". J'étais allé voir à tout hasard. J'ai été étonné de le trouver en rayons avant la date annoncée de parution (23 février). J'en parlerai dès que je l'aurai lu. Je suis impatient de commencer.

10 mars : Je viens de terminer le livre... Lire mon avis

Présentation de l’éditeur (éditions Stock)


Certains écrivains, au gré de leurs publications, nous donnent volontiers de leurs nouvelles à travers chacun de leur livre ; ils n’hésitent pas à raconter, à montrer le monde, l’époque, pour tenter de mieux les comprendre, mais avant tout de se comprendre eux-mêmes. Depuis son premier livre, Les Jours en couleurs, paru voilà quarante ans, Yves Simon n’aura cessé de poursuivre sa propre trace, il nous a dit sa jeunesse, ses illusions perdues, ses chagrins, ses amours, mais jamais n’avait-il consacré jusqu’à ce jour un roman tout entier empreint, comme son titre l’indique, de la compagnie des femmes.

S’il se présente autant comme une autobiographie déguisée qu’un carnet de route, le nouveau roman d’Yves Simon vaut surtout pour l’histoire d’amour très singulière qui l’anime, le porte et le transcende. « Léonie était jeune et moi qui vieillissais », écrit le narrateur avant de reprendre le chemin de quelques-unes des femmes qui le hantent, aussi bien sa mère que les rencontres les plus éphémères. Mais la beauté de cet amour décisif éprouvé pour Léonie emporte dans le même élan lecteur et narrateur. On se prend alors à rêver d’être le passager clandestin de ce voyage, un road novel, dont seul l’écrivain connaît la destination finale.

Les premières lignes

Léonie était jeune et moi qui vieillissais.

Je pensai qu'il me faudrait au moins mille pages pour décrire son visage. Un millier de pages pour sculpter les contours et reliefs d'une figure de femme, avec le seul usage des mots, les lettres d'un alphabet, une grammaire et des adjectifs pimpants. Décrire avec une minutie raffinée ses lèvres ourlées, un nez joyeusement épaté, des yeux noirs effilés pareils à des corps d'abeilles. Mais encore le pigment d'une peau métissée, sa couleur exacte - ambre tendance pain au lait -, les minuscules grains de beauté disposés au pic de ses joues. Après ce travail titanesque, une image à peu près correcte parviendrait-elle à se visualiser dans l'imaginaire d'un quelconque lecteur ?

Très vite je fus convaincu que les mots seraient inopérants pour évoquer ce qui simplement nous émeut par la vue, par une photographie, ce petit ovale de réalité qu'est un visage. Je n'en éprouvai ni amertume ni rage, ma déception suffisait. Moi qui avais écrit bon nombre de romans, j'en arrivais à ce constat d'impuissance que je ne pourrais décrire à la perfection la souveraine élégance de Léonie. Ni surtout la rendre séduisante et attachante à des lecteurs lambda qui n'auraient jamais eu dans leur entourage une personne aussi émouvante qu'elle à observer. Sans doute qu'il me suffirait d'asséner que Léonie était belle et gracieuse et chacun accolerait à ces deux adjectifs un visage beau et gracieux de son choix. L'affaire serait entendue. On le sait, les attractions pour un visage sont question d'imagination, chacun a son histoire, ses souvenirs, son entendement du beau comme du gracieux et alors défilent, comme lors d'un portrait-robot, toutes sortes de bouches, de nez, un menton, des mimiques, l'abîme d'un regard, des franges sur le front, pour élaborer secrètement le visage beau et gracieux d'une personne jamais rencontrée.
Lire aussi :








Mots clefs : #Yves Simon, #La compagnie des femmes, #Editions Stock

Danseuse

Il y a des émotions, comme ça, comme des océans qui débordent, qui pourraient tout emporter. Des villes entières. Le cœur, au moins. D’autres fois, ce sont des pincements à l’âme, légers, qui font naître des frissons sur la peau, des larmes sur les paupières. Ce n’est rien. Presque rien. Ce n’est qu’un petit bouleversement, subtil, le geste d’une danseuse, sur la scène là-bas, sous le projecteur, au moment précis où Chopin a voulu son nocturne si émouvant. A ce moment-là. Juste là. Une petite aiguille dans le cœur, deux aiguilles peut-être, l’une qui passe par l’oreille, l’autre qui se faufile dans l’œil. Un mouvement, une grâce inouïe, deux ou trois notes et cela monte d’un coup, ça vient du ventre, on se sait pas, ça mouille les cils. On ne sait pas grand-chose de tout cela. On ne sait rien, sans doute. Personne. Pas les psys. Encore moins les psys, qui évoquent toute la chimie des hormones pour dire nos joies. On ne veut rien savoir. On sait simplement qu’une silhouette dans un creux de lumière a dansé pour vous, deux secondes, trois peut-être, une éternité éphémère, une joie pure. Rien que pour vous. Car vous vous dites que vous seul avez ressenti cela à cet instant, que c’est votre privilège. Des années de travail, de lutte contre le corps qui souffre, contre l’esprit qui voudrait renoncer, des années de douleurs, de larmes mêlées d’exaltation. Des rêves, des découragements, des désespoirs de jeune fille, des rires, des angoisses… Tout cela pour vous offrir, à ce moment précis, à vous qui n’êtes qu’un corps empoté, empêtré dans la glaise de votre âge, le beau de la vie, la perfection d’un geste, d’une posture disparue la seconde suivante. Pour vous offrir simplement cela, un instant de bonheur, la beauté d’un oiseau qui s’évapore dans un sourire.
Mots clefs : #danse, #danseuse, #chopin

dimanche 2 janvier 2011

Bonne année 2011 : que la lucidité et le discernement vous accompagnent

« Je me souviens… ». Souvent, je pense au passé, aux formes révolues qui le hantent, qui ne signifient presque plus rien. Des visages, des regards, des mots prononcés, des chuchotements, des frôlements de peau, des silhouettes, des ombres, des petits événements qui parsèment la mémoire… Tout un tas de souvenirs qui s’effilochent, dont je suis, la plupart du temps, incapable de dresser la liste chronologique et qui sont pourtant le reflet évaporé du terreau qui a forgé l’individu que je suis aujourd’hui.

« Je me souviens… ». On ne se souvient de rien, en réalité. On ne fait jamais que recréer, dans le secret de nos cerveaux, au creux des alcôves complexes de nos synapses, les fantômes du passé, chaque fois subtilement différents. Alors, plutôt que de se retourner sans cesse vers ce qui n’est plus, peut-être vaut-il mieux porter nos regards vers ce qui est, là, maintenant, aujourd’hui, à portée de nos choix : le présent.

Pour cette année 2011, je vous souhaite d’être en mesure de vivre intensément chaque instant qui constitue ce présent, d’en jouir réellement, pleinement, en le partageant avec ceux qui vous aiment et que vous aimez, tout en gardant un œil ouvert vers l’avenir, vers ce qui sera peut-être, vers ce futur où se projettent vos désirs et vos rêves. Vers ce futur dont on ne sait rien mais qui peut contenir tous les espoirs d’aujourd’hui.

Pour cette année 2011, où se profilent déjà, entre les spectres récurrents des crises, des guerres et des intempéries, les combats quotidiens qu’il nous faut mener pour exister, pour travailler, pour élever nos enfants, pour être respectés dans nos vies, dans nos convictions et dans nos heures salariées, je vous souhaite également la lucidité : cette clairvoyance qui permet de distinguer et de préférer pour nos existences ce qui est réellement important de ce qui ne l’est vraiment pas. Et seules deux ou trois choses essentielles apparaissent, lumineuses et évidentes, sous l’éclairage puissant du discernement…

Bonne année ! Bonne lucidité !
Mots clefs : #2011, #lucidité, #discernement