lundi 7 février 2011

Yves Simon publie "La compagnie des femmes"

Yves Simon publie son prochain roman, "La compagnie des femmes", aux éditions Stock. Sortie le 23 février 2011.

>>Voir l’émission « thé ou café », sur France 2, du dimanche 6 février.
>>Voir la Grande Librairie, sur France 5, du jeudi 17 février



22 février
: j'ai acheté hier après-midi, au Furet du Nord de Lille, le dernier roman d'Yves Simon, "La compagnie des femmes". J'étais allé voir à tout hasard. J'ai été étonné de le trouver en rayons avant la date annoncée de parution (23 février). J'en parlerai dès que je l'aurai lu. Je suis impatient de commencer.

10 mars : Je viens de terminer le livre... Lire mon avis

Présentation de l’éditeur (éditions Stock)


Certains écrivains, au gré de leurs publications, nous donnent volontiers de leurs nouvelles à travers chacun de leur livre ; ils n’hésitent pas à raconter, à montrer le monde, l’époque, pour tenter de mieux les comprendre, mais avant tout de se comprendre eux-mêmes. Depuis son premier livre, Les Jours en couleurs, paru voilà quarante ans, Yves Simon n’aura cessé de poursuivre sa propre trace, il nous a dit sa jeunesse, ses illusions perdues, ses chagrins, ses amours, mais jamais n’avait-il consacré jusqu’à ce jour un roman tout entier empreint, comme son titre l’indique, de la compagnie des femmes.

S’il se présente autant comme une autobiographie déguisée qu’un carnet de route, le nouveau roman d’Yves Simon vaut surtout pour l’histoire d’amour très singulière qui l’anime, le porte et le transcende. « Léonie était jeune et moi qui vieillissais », écrit le narrateur avant de reprendre le chemin de quelques-unes des femmes qui le hantent, aussi bien sa mère que les rencontres les plus éphémères. Mais la beauté de cet amour décisif éprouvé pour Léonie emporte dans le même élan lecteur et narrateur. On se prend alors à rêver d’être le passager clandestin de ce voyage, un road novel, dont seul l’écrivain connaît la destination finale.

Les premières lignes

Léonie était jeune et moi qui vieillissais.

Je pensai qu'il me faudrait au moins mille pages pour décrire son visage. Un millier de pages pour sculpter les contours et reliefs d'une figure de femme, avec le seul usage des mots, les lettres d'un alphabet, une grammaire et des adjectifs pimpants. Décrire avec une minutie raffinée ses lèvres ourlées, un nez joyeusement épaté, des yeux noirs effilés pareils à des corps d'abeilles. Mais encore le pigment d'une peau métissée, sa couleur exacte - ambre tendance pain au lait -, les minuscules grains de beauté disposés au pic de ses joues. Après ce travail titanesque, une image à peu près correcte parviendrait-elle à se visualiser dans l'imaginaire d'un quelconque lecteur ?

Très vite je fus convaincu que les mots seraient inopérants pour évoquer ce qui simplement nous émeut par la vue, par une photographie, ce petit ovale de réalité qu'est un visage. Je n'en éprouvai ni amertume ni rage, ma déception suffisait. Moi qui avais écrit bon nombre de romans, j'en arrivais à ce constat d'impuissance que je ne pourrais décrire à la perfection la souveraine élégance de Léonie. Ni surtout la rendre séduisante et attachante à des lecteurs lambda qui n'auraient jamais eu dans leur entourage une personne aussi émouvante qu'elle à observer. Sans doute qu'il me suffirait d'asséner que Léonie était belle et gracieuse et chacun accolerait à ces deux adjectifs un visage beau et gracieux de son choix. L'affaire serait entendue. On le sait, les attractions pour un visage sont question d'imagination, chacun a son histoire, ses souvenirs, son entendement du beau comme du gracieux et alors défilent, comme lors d'un portrait-robot, toutes sortes de bouches, de nez, un menton, des mimiques, l'abîme d'un regard, des franges sur le front, pour élaborer secrètement le visage beau et gracieux d'une personne jamais rencontrée.
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Mots clefs : #Yves Simon, #La compagnie des femmes, #Editions Stock

Danseuse

Il y a des émotions, comme ça, comme des océans qui débordent, qui pourraient tout emporter. Des villes entières. Le cœur, au moins. D’autres fois, ce sont des pincements à l’âme, légers, qui font naître des frissons sur la peau, des larmes sur les paupières. Ce n’est rien. Presque rien. Ce n’est qu’un petit bouleversement, subtil, le geste d’une danseuse, sur la scène là-bas, sous le projecteur, au moment précis où Chopin a voulu son nocturne si émouvant. A ce moment-là. Juste là. Une petite aiguille dans le cœur, deux aiguilles peut-être, l’une qui passe par l’oreille, l’autre qui se faufile dans l’œil. Un mouvement, une grâce inouïe, deux ou trois notes et cela monte d’un coup, ça vient du ventre, on se sait pas, ça mouille les cils. On ne sait pas grand-chose de tout cela. On ne sait rien, sans doute. Personne. Pas les psys. Encore moins les psys, qui évoquent toute la chimie des hormones pour dire nos joies. On ne veut rien savoir. On sait simplement qu’une silhouette dans un creux de lumière a dansé pour vous, deux secondes, trois peut-être, une éternité éphémère, une joie pure. Rien que pour vous. Car vous vous dites que vous seul avez ressenti cela à cet instant, que c’est votre privilège. Des années de travail, de lutte contre le corps qui souffre, contre l’esprit qui voudrait renoncer, des années de douleurs, de larmes mêlées d’exaltation. Des rêves, des découragements, des désespoirs de jeune fille, des rires, des angoisses… Tout cela pour vous offrir, à ce moment précis, à vous qui n’êtes qu’un corps empoté, empêtré dans la glaise de votre âge, le beau de la vie, la perfection d’un geste, d’une posture disparue la seconde suivante. Pour vous offrir simplement cela, un instant de bonheur, la beauté d’un oiseau qui s’évapore dans un sourire.
Mots clefs : #danse, #danseuse, #chopin